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« On ne fera pas la transition écologique sans la transition numérique »

Ancienne secrétaire d’État à la Transition écologique, Brune Poirson expose la nécessité de faire appel à l’innovation technologique pour répondre aux défis environnementaux, souligne les solutions concrètes à mettre en place et la part qui revient à l’éducation et à la formation.
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Pour Mariya Gabriel, la commissaire européenne à l’innovation, la recherche, la culture, l’éducation et la jeunesse, il faut investir dans l’innovation pour réussir la relance post-Covid. Partagez-vous son point de vue ?

Nous savons très bien que la transition ne se fera pas sans continuer à innover, mais cela suppose plusieurs choses : d’abord de se poser la question du sens de l’innovation. Certes, il y a une dimension créative qu’il ne faut pas brider. Mais ce ne doit pas non plus être l’innovation pour l’innovation. Innover doit avoir un sens, et son sens doit être de participer à résoudre des problèmes sociaux, sociétaux et environnementaux. Cela ne peut plus être uniquement pour maximiser le profit. Nous devons tirer des leçons de la crise sanitaire. Il faut que ces innovations participent à lutter contre les inégalités sociales. Nous avons vu le rôle majeur des travailleurs de « première ligne » (soignants, livreurs, éboueurs, caissières, personnel des Ehpad*…), nous avons besoin d’eux. Ils doivent avoir la reconnaissance qu’ils méritent, cela peut passer par des innovations technologiques qui peuvent rendre leur travail plus facile ou des formations.

Selon la Banque européenne d’investissement (BEI) – la future banque verte de l’Union européenne –, la pandémie a entraîné des réductions alarmantes des investissements privés dans la recherche et l’innovation (R&I) et des coupes similaires risquent de se produire dans les dépenses publiques de R&I. Quel rôle doivent jouer les gouvernements et les institutions pour inciter à relancer la recherche ?

Effectivement, la crise nous a montré à quel point nous avons besoin d’investir massivement dans la recherche, dans tous les domaines. Mais je crois qu’il y a eu une vraie prise de conscience de la part des dirigeants, en particulier quand on voit les plans de relance européen ou français. Le plan de relance français consacre par exemple 30 milliards d’euros à la transition écologique. L’État a un rôle fondamental à jouer, mais il ne peut pas investir seul dans la recherche et l’innovation. Pour inciter les entreprises à le faire, il doit intervenir à deux niveaux principaux. Le premier, en fixant un cadre législatif avec une régulation ambitieuse sur le plan environnemental, parce que cela force certaines grandes entreprises à le respecter et à se mettre à jour, tout en les poussant à collaborer avec des écoentreprises (entreprises qui commercialisent une solution visant explicitement à prévenir, réduire ou mesurer les atteintes des activités humaines sur l’environnement, ndlr) parce qu’elles ont des solutions. Le deuxième, en matière de commande publique, il faut inclure des critères environnementaux dans les appels d’offres de l’État qui, parfois, concernent des montants extrêmement importants.

"Innover doit avoir un sens, et son sens doit être de participer à résoudre des problèmes sociaux, sociétaux et environnementaux."
Brune Poirson
On parle également beaucoup du rôle des entreprises du numérique et de l’informatique, et plus particulièrement de la « GreenTech »**…

Quand on prend un peu de recul, on se rend compte que d’un point de vue politique, il y a plusieurs approches pour résoudre la transition écologique. Vous avez tout un pan de la société qui dit : « Il faut absolument décroître, il faut arrêter de consommer, retourner à une vie frugale. » En parallèle, une autre partie qui dit : « Au contraire, il faut continuer à sortir les gens de la pauvreté, l’économie capitaliste actuelle est un modèle qui fonctionne bien. » Il faut arriver à trouver une voie entre les deux. Si nous restons dans cette dichotomie, nous n’avancerons pas. Je pense qu’il faut créer une troisième voie, la voie de cette GreenTech, celle de la transition, qui serait la voie d’une « écologisation » de la société. Il faut comprendre qu’il y a devant nous deux transitions majeures, l’une écologique, l’autre numérique, elles doivent aller de pair. On ne fera pas la transition écologique sans la transition numérique et inversement.

Cette écologisation de la société passe-t-elle forcément par les principaux acteurs du numérique, qui ont pour ambition de montrer l’exemple ?

Leur rôle est indispensable, nous savons pertinemment que si l’on souhaite des réductions massives d’énergie, il faut certes innover (en utilisant des nouveaux matériaux de construction, par exemple), mais il faut aussi travailler sur la demande en énergie et en électricité. C’est là que le rôle des données et de l’intelligence artificielle intervient. De ce fait, Google et les autres acteurs du numérique ont une mission majeure. Mais il ne faut pas qu’ils se contentent de neutraliser leur impact, il faut qu’ils aillent plus loin : qu’ils contribuent à la société. Pour plusieurs raisons, d’abord parce que la neutralité ne suffit plus, il faut avoir une approche régénérative de l’environnement, ensuite parce que des acteurs tels que Google portent une responsabilité, en tant que leaders dans leur secteur. Ils ont une exemplarité à donner et une cohérence à montrer.

Vous évoquez l’intelligence artificielle. Quelles sont ses applications qui retiennent particulièrement votre attention ?

Je vois vraiment deux aspects sur lesquels elle peut être extrêmement utile : mieux prédire et mieux gérer. En matière de prédiction, par exemple, il y a des régions du monde qui sont en situation de stress hydrique avec des ressources en eau qui s’amenuisent. Il y a énormément de tuyaux distribuant de l’eau qui s’abîment, et ce sont des centaines de mètres cubes d’eau gaspillées. Avec l’intelligence artificielle, il est possible d’anticiper cela et, donc, de vérifier plus souvent les équipements et de mieux monitorer. Et le second aspect est l’optimisation. Pour vous donner un exemple dans un secteur que je connais, celui de la collecte des ordures ménagères, beaucoup de véhicules utilisés pour collecter les déchets fonctionnent encore à l’énergie fossile et font tous les jours le même trajet, quelle que soit la quantité de déchets à ramasser. Avec une analyse plus fine des poubelles (affinage du tri, identification des caractéristiques des matières) – tout en respectant les données personnelles –, on pourra améliorer le circuit de collecte. Et c’est bénéfique pour l’environnement. L’intelligence artificielle va jouer un rôle crucial pour trouver des solutions aux défis environnementaux. Même si c’est un agenda à 10 ans, il faut y réfléchir dès maintenant et s’aligner en matière de développement de l’intelligence artificielle et de durabilité.

"L’intelligence artificielle va jouer un rôle crucial pour trouver des solutions aux défis environnementaux."
Brune Poirson
En tant que membre du jury du Google.org Impact Challenge pour le Climat, vous avez pu découvrir certaines initiatives durables et concrètes. Quelles thématiques ont retenu votre attention ?

Honnêtement, j’ai été impressionnée par la qualité des réponses ! C’est très encourageant. Je pense par exemple au projet de réensauvagement du nord de l’Arctique, une région qui contient autant de carbone que l’Amazonie et peut donc participer à la biosécurité de toute la planète. Je pense aussi à Open Food Facts, projet collaboratif français qui a remporté le concours, avec cette nécessité de transparence que j’avais intégrée dans la loi anti-gaspillage. Il y avait aussi un projet sur l’agriculture régénératrice, Climate Farmers, que j’ai trouvé très intéressant. L’agriculture est l’un des secteurs qui doit absolument faire sa transition pour réduire potentiellement ses émissions de Co2 et avoir un impact sur la nature.

Vous avez beaucoup œuvré pour encourager les jeunes à l’engagement vert, et ce, dès l’école. Pourquoi estimez-vous cela nécessaire ?

C’est un tel défi qu’il faut sensibiliser aux questions environnementales partout et dès qu’on peut ! Mais il faut faire très attention à ne pas avoir une approche moralisatrice. Il faut rappeler que derrière la question du réchauffement climatique, il y a une dimension scientifique. Si on dit « Trier les déchets, c’est bon, c’est bien », c’est assez moralisateur. Il faut à mon sens surtout préciser qu’il est prouvé scientifiquement que trier a un impact positif en matière d’économie des ressources de la planète. D’où l’importance de déployer l’éducation au développement durable dès l’école. La transition écologique peut être un facteur de division de la société si on ne l’aborde pas très tôt : divisions entre zones rurales et zones urbaines, entre les enfants de catégories socioprofessionnelles supérieures et les autres, et même entre les genres.

Que reste-t-il à faire pour inciter les entreprises, les collectivités et les citoyens à continuer d’innover pour accélérer le changement vers une production et une consommation plus écoresponsables ?

Trois choses à mon sens. D’abord, privilégier la responsabilité, cette idée de valeur partagée. L’entreprise doit créer de la valeur économique, mais d’une façon qui profite aussi à la société. Ensuite, encourager la collaboration. Nous avons besoin de nouveaux types de partenariats entre acteurs, je pense notamment à la “blended finance” (finance mixte, en français, ndlr). Il s’agit d’utiliser de façon plus stratégique des financements publics pour attirer les capitaux privés, et donc investir de façon massive dans des solutions qui vont permettre de résoudre certains problèmes sociaux ou environnementaux. C’est maximiser l’utilisation de l’argent public, non pas en donnant des subventions, mais en venant « dé-risquer » les projets qui ont un impact important et vers lesquels les acteurs privés hésiteraient à aller. Et enfin, favoriser la transparence. Il faut donner aux consommateurs le pouvoir de choisir en connaissance de cause. Ce n’est pas se déresponsabiliser en laissant toute la responsabilité aux consommateurs, c’est pousser les entreprises à revoir leurs façons de produire et de vendre.

  • Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. ** La GreenTech rassemble les acteurs qui construisent les technologies de demain et qui façonnent une nouvelle manière de consommer et de vivre en plaçant l’écologie au cœur de leurs préoccupations (Source : Forbes).

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