Fernando Pinto da Silva, chargé de mission stratégie numérique pour la Fédération des Aveugles et Amblyopes de France.

Information pour tous

Faire valoir l’accès à l’information des personnes en situation de handicap, c’est le défi que se sont lancé Noémie Churlet, Sophie Massieu et Fernando Pinto da Silva.

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La journée du 13 novembre 2015 touche à sa fin et comme à son habitude, Noémie Churlet rentre chez elle et allume la télévision. Sourde, cette comédienne et créatrice d’un magazine culturel Art’Pi!, comprend que quelque chose de grave se passe, mais peine à décrypter la situation. « C’était une situation extrêmement surprenante et violente. Il y avait beaucoup d’informations, mais la qualité du sous-titrage n’était pas du tout au rendez-vous. Ils n’avaient pas d’interprètes à disposition. » Impuissante, comme des millions de Français qui vivent, via les médias, les attentats qui frappent Paris et Saint-Denis, Noémie tente de décrire la situation à sa colocataire présente ce soir-là, sourde elle aussi : « J’ai compris à ce moment-là que je n’étais pas un cas isolé. Alors, j’ai fait une vidéo et je l’ai diffusée afin de pouvoir donner un peu d’information, même si je n’étais pas journaliste. » Après la création d’une page dédiée sur les réseaux sociaux, Noémie a une certitude. « Les sourds ont été très soulagés d’avoir accès à l’information », et une décision importante à prendre : « J’ai compris qu’il y avait un problème et que je devais m’engager pour contribuer à le résoudre. »

Forte de l’expérience Art’Pi!, magazine qui reposait sur le bénévolat, Noémie Churlet décide de fonder en 2016 l'association Média’Pi, « pi » voulant dire « ce qui est typique », en langue des signes. La plateforme numérique voit le jour en avril 2018 et se présente comme un média bilingue – en langue des signes et en français – et propose des articles d’actualité nationale et internationale. Les formats varient, allant de la vidéo aux photoreportages en passant par la bande dessinée. « Les différentes identités sourdes, leur culture, leur patrimoine, leur histoire et leur langue font partie des sujets de prédilection », précise la fondatrice. 5 ans plus tard, elle nous accueille dans ses locaux de Pantin. L’occasion de constater que le projet grandit et que l’équipe s’est étoffée. « Les sourds ont l’habitude de la gratuité. Ils ne comprennent pas toujours pourquoi il faut payer pour l’information, mais je me suis dit qu’il fallait essayer. Aujourd’hui, nous sommes encore dans l’innovation, la création et l’évolution », affirme- t-elle, entourée de la responsable communication, d’une jeune stagiaire et d’une interprète. Quelques éléments visibles d’une équipe qui compte désormais 22 salariés, parmi lesquels des journalistes, des monteurs ou des sous-titreuses, réunis pour créer de l’information qualitative pour des personnes sourdes et malentendantes. Aujourd’hui, le ministère de la Culture ou encore la Fondation de France soutiennent ce média indépendant, auquel tous peuvent s’abonner.

Une évolution sociale… et technique

Sophie Massieu est journaliste depuis l’année 2000. « Quand j’ai commencé à chercher du travail, on me disait que mon handicap – la cécité – était incompatible avec ma profession. » Elle constate une progression aujourd’hui : « Les mentalités ont fortement évolué et mes 20 ans de journalisme permettent de prouver que c’est totalement possible d’exercer ce métier en étant aveugle. » Après avoir travaillé sur tous les supports (télévision, radio et presse écrite), Sophie Massieu affirme disposer de plusieurs outils et techniques pour travailler : « Quel que soit le métier que l’on exerce, il y a ce que l’on appelle des lecteurs d’écran. J’utilise un ordinateur classique, avec un logiciel qui permet de lire et/ou d’afficher le texte sur un autre écran relié au premier, mais au format braille pour les non-voyants. » Si elle avoue également utiliser l’application vocale de son smartphone, Sophie évoque aussi le logiciel Jaws, très plébiscité. Il offre un accès vocal complet à l’ordinateur pour les personnes malvoyantes et aveugles. Un afficheur braille (dispositif électromécanique utilisé par les aveugles pour afficher en temps réel des caractères braille, ndlr) peut être connecté pour une lecture braille. « Il y a eu du progrès, de nombreuses applications sont désormais pensées pour les personnes aveugles et malvoyantes. »

L’évolution technologique est aussi un projet prégnant pour Noémie Churlet. Média’Pi! travaille conjointement avec le Laboratoire interdisciplinaire des sciences du numérique (lancé en janvier 2021, ndlr) sur le projet Rosetta. Le but ? Créer un avatar (un robot, qu’il soit animé ou réel) qui pourrait traduire immédiatement ce qu’il entend en langue des signes, afin de faciliter l’accès à l’information des personnes sourdes et malentendantes, notamment en temps réel.

"Il y a eu du progrès, de nombreuses applications sont désormais pensées pour les personnes aveugles et malvoyantes."

Faire de l’accessibilité numérique une norme

Chargé de la stratégie numérique au sein de la Fédération des Aveugles et Amblyopes de France, Fernando Pinto da Silva a participé au lancement d’un module créé à l’occasion de la journée mondiale de sensibilisation à l’accessibilité numérique. Un programme qui vise à sensibiliser les personnes en situation de handicap, mais également les grandes entreprises, de la technologie ou autres. Une démarche productive selon Fernando, qu’il compte pérenniser via la diffusion d’un document au format PDF réunissant les sujets abordés lors de cette formation. « Il est essentiel, car beaucoup ne savent pas que les personnes aveugles peuvent utiliser le numérique. Une personne aveugle peut utiliser un ordinateur ou un smartphone, y compris tactile, sans trop de difficulté, à condition que les interfaces aient été bien pensées. » Créé dans le but de sensibiliser le grand public mais aussi « pour donner des clefs aux professionnels pour qu’ils bâtissent un numérique plus inclusif », ce module est un succès qui doit en appeler d’autres. Dans ce cadre, l’association collabore avec Google à l’occasion de journées consacrées à l’accessibilité numérique, organisées par les Ateliers Numériques (en ligne et en présentiel comme à Nancy).

Pour Fernando, l’accès à l’information des personnes malvoyantes se heurte encore à un double obstacle majeur : « D’un côté, le non-respect des recommandations internationales en matière d’accessibilité, mises en place depuis 1999, et de l’autre, la difficulté à faire valoir le fait que nous n’avons pas accès comme les autres à l’information. En France et même en Europe, il y a peu de sanctions et surtout pas de recours possible. » Selon Noémie Churlet, l’un des axes de progression est la pédagogie. « Avec les confinements et l’enseignement à distance, peu d’initiatives ont été prises pour les enfants sourds. Nous aimerions vraiment développer la production d'informations adaptées aux enfants, aussi pour que les professeurs s’en servent comme supports. » Les parents doivent eux aussi être accompagnés : « 95 % des parents d’enfant sourd sont entendants. Il faut les aider à penser à l’éducation, pas seulement à la rééducation. Il faut, par exemple, leur donner des outils pour qu’ils apprennent la langue des signes française. »

De l’accès à la technologie à l’accès à l’information

Outre l’accès à l’information et les solutions techniques pour permettre aux personnes en situation de handicap de s’informer, Sophie Massieu estime, quant à elle, qu’il faut aussi faire de la désinformation une autre priorité. Selon elle, l’éducation est la clef, que l’on soit en situation de handicap ou non : « Pour moi, nous sommes tous exposés de la même manière aux fake news. C’est une question d’éducation, et particulièrement d’éducation aux médias. C’est la capacité à rechercher l’information, à la fois d’un point de vue intellectuel ou technologique, qui peut différer. La difficulté, c’est que nous n’avons pas tous le même accès à la technologie. » Noémie Churlet souligne de son côté les progrès à réaliser : « Lors du début de la pandémie, il y a eu un énorme flux d’informations, même pour les entendants. Il faut renforcer l’éducation aux médias pour les personnes sourdes et malentendantes afin qu’elles aient les outils pour vérifier l’information. Pour moi, il y a 2 sensibilisations essentielles : transmettre une bonne information et garder en tête cette phrase connue par les sourds : “Je peux tout, sauf entendre”. »

Google s’engage pour un Web plus accessible

Pour que l’information numérique soit disponible pour tous, Google s’attache à développer des produits et fonctionnalités facilitant cet accès. À titre d’exemple, sur les applis Docs et Slides, il est possible d’utiliser la fonctionnalité « plage braille » pour lire et saisir du texte. Ou encore l’extension ChromeVis, qui permet, en sélectionnant un texte sur le navigateur, de le voir traduire en gros caractères avec un contraste modifiable. Et l’extension ChromeVox fait, elle, figure de lecteur d’écran.

Sur Google Chrome, la fonctionnalité Sous-titres instantanés permet de sous-titrer automatiquement les contenus vocaux sur le téléphone, d’une seule pression du doigt. Cette fonctionnalité existe également pour des contenus multimédias tels que des vidéos, des podcasts, des appels téléphoniques ou vidéo, et des messages audio. En parallèle, Google fournit aussi aux développeurs des outils open source de test d’accessibilité, grâce à l’outil Accessibility Scanner, qui recherche les opportunités d’amélioration de l’accessibilité pour une application, sur ordinateur et sur mobile Android. Afin de toujours promouvoir la prise en compte de l’accessibilité dans les processus de développement. Et l’implication de Google en matière d’accessibilité ne se limite pas aux outils. Elle s’étend aussi aux programmes de recherche comme le projet Euphonia. Celui-ci a pour but d’améliorer le système de reconnaissance vocale, afin d’en faciliter l’usage pour les personnes souffrant de troubles de la parole ou de problèmes auditifs.


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