Portraits de Paul Duan, président et cofondateur de Bayes Impact, et d’Emmanuelle Larroque, présidente et fondatrice de Social Builder

Faciliter le retour à l’emploi

Afin d’aider les personnes en recherche d’emploi à retrouver le chemin du travail, des acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS), comme Bayes Impact et Social Builder, misent sur l’IA pour développer des solutions innovantes, efficaces et toujours plus personnalisées.

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Lorsque Paul Duan, jeune expatrié français de 22 ans au cursus universitaire prestigieux, décide de quitter son poste de data scientist dans la Silicon Valley pour travailler avec des associations et des collectivités locales, il est loin de s’imaginer l’impact de son choix. « J’étais à la fois fasciné par la puissance de ces technologies et un peu frustré qu’elles ne soient pas appliquées aux sujets qui ont du sens, raconte-t-il aujourd’hui. De fil en aiguille, je me suis rendu compte que le monde de la tech et celui de l’impact social ne se parlaient pas et j’ai eu envie de créer un pont entre les deux. »

Nous ne remplaçons pas le travail des conseillers Pôle emploi, nous le complétons. Il n’y a pas de baguette magique purement technologique.

Paul Duan, Président et Cofondateur Bayes Impact

« Un devoir de responsabilité »

Ce pont, ce sera Bayes Impact, l’ONG qu’il cofonde en 2014 pour développer des services publics citoyens qui répondent à des problématiques de société, et pour accompagner les gouvernements et administrations dans leur démarche d’ouverture à ces innovations. Si le champ d’action est large, la philosophie reste la même : le numérique doit avoir un impact à grande échelle et pour tous. « Le marché de l’emploi a rapidement été une thématique importante pour nous. Quelque part, nous avons un devoir de responsabilité – dans le sens où le numérique est un des facteurs qui transforment le marché de l’emploi, ces dernières années, notamment par les avancées en matière d’intelligence artificielle, et que nous pouvons développer des outils pour guider de manière personnalisée chaque individu dans cette évolution. »

Soutenue par des organisations comme Google.org, Bayes Impact noue rapidement des partenariats avec les pouvoirs publics de plusieurs pays, dont le Gouvernement français, pour qui l’association développe depuis 2016 une application visant à mettre l’intelligence artificielle au profit des demandeurs et demandeuses d’emploi. Baptisée « Bob », elle a déjà permis d’apporter un coaching individualisé à plus de 500 000 d’entre eux, en croisant les données du marché du travail avec celles relatives aux profils recueillies par Pôle emploi. À travers quelques questions ciblées, les algorithmes de Bob établissent ensuite un diagnostic de la recherche d’emploi et proposent un plan d’action personnalisé, jalonné de contenus mis au point avec des experts métiers.

Individualiser les parcours de formation

Ce soutien apporté à l’accompagnement humain s’exerce dans la durée grâce à ces ressources et outils recommandés à l’utilisateur. « Nous ne remplaçons pas le travail des conseillers Pôle emploi, nous le complétons, prévient Paul Duan. Il n’y a pas de baguette magique purement technologique. Chaque situation appelle un service particulier et je pense que les interfaces conversationnelles des IA génératives pourraient aussi permettre de fluidifier ces parcours, pour ensuite diriger les gens vers des acteurs plus adaptés à leurs besoins. » Des acteurs pour la plupart issus du milieu associatif, donc concernés par les mêmes questionnements que Bayes Impact. C’est le cas de Social Builder, une association qui oriente, forme et insère des demandeuses d’emploi aux métiers et aux compétences du numérique. Fondée en 2011 pour améliorer l’employabilité des femmes, plus susceptibles d’être impactées par l’automatisation des tâches et l’obsolescence des compétences, Social Builder crée un dispositif d’accompagnement qui intègre toutes les parties prenantes de l’insertion professionnelle à chaque étape du parcours professionnel. « Les demandeuses d’emploi, c’est 3 millions de femmes. Tous métiers confondus, il y a 27 % de femmes, aujourd’hui, dans le numérique, dont 16 % sur les métiers techniques. Et ce chiffre n’évolue pas dans le bon sens, prévient Emmanuelle Larroque, présidente et fondatrice de cette structure lauréate de l’édition 2021 du Google.org Impact Challenge for Women and Girls. Nous accompagnons des femmes de 18 à 63 ans, qui ont des situations personnelles, des héritages culturels, des réalités de vie et des parcours extrêmement variés. L’enjeu principal, pour nous, est d’individualiser les parcours de formation de ces femmes qui arrivent toutes avec des compétences très éclatées, en fonction de leurs besoins. »

L’enjeu principal pour nous est l’individualisation des parcours de formation. Et c’est là que la question de l’IA s’est très vite imposée.

Emmanuelle Laroque, Présidente et Fondatrice Social Builder

« L’IA peut vraiment être un copilote de grande qualité »

Les 500 000 euros de dotation et l’appui technique de Google.org ont permis de donner naissance à la Social Builder Academy, l’espace qui centralise aujourd’hui l’ensemble des programmes de l’association et devrait permettre d’accompagner 150 000 femmes d’ici 3 ans avec des mentors, des coachs et des formateurs. « Ce qui fait la réussite d’un parcours de reconversion, c’est la confiance et l’accompagnement humain, reprend Emmanuelle Larroque. Et ça, aujourd’hui, la machine ne sait pas le faire. En revanche, l’IA est vraiment un copilote de grande qualité pour mieux guider les candidates sur la plateforme et les mettre dans les conditions d’avoir les bonnes informations au bon moment et au bon niveau. »

Convaincue que l’IA permettra, à terme, une compréhension plus fine de la dynamique du marché, elle confesse néanmoins que les acteurs de l’ESS ont parfois du mal à suivre, faute de moyens humains et financiers : « Il faut que les entreprises qui portent ces solutions investissent durablement pour nous aider à structurer nos outils et faire émerger des acteurs qui auront un véritable impact majeur. Les problématiques sociétales sont telles que, selon moi, elles n’ont plus le choix. C’est le sens de l’histoire. »

Dans cette histoire : IA, France, Responsabilité Sociale

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