Sur la scène de l’opération “Le Numérique s’invite dans les quartiers”

Numérique : une voie d’avenir pour les quartiers prioritaires ?

Alors que, d’ici 2030, le numérique devrait devenir le 2e secteur d’activité à la croissance la plus forte, ses métiers restent méconnus auprès de certaines populations, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Dans celui de la Mosson, à Montpellier (34), l’opération “Le Numérique s’invite dans les quartiers” avait pour mission de découvrir ses opportunités.

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En ce vendredi de la fin du mois de juin 2023, sur le parvis de l’espace Gisèle Halimi, à Montpellier, on célèbre la journée de clôture de l’opération “Le Numérique s’invite dans les quartiers”. Pas un hasard. Ici, à la Mosson, comme dans d’autres “quartiers prioritaires”, les facteurs d’exclusion sont multiples et l’illectronisme en est un, c’est-à-dire l’incapacité de quelqu’un à utiliser les outils informatiques en raison d’un manque de connaissances quant à leur fonctionnement. Dans ce quartier de 20 000 habitants, l’indice de fragilité numérique est le plus élevé de la ville et fait écho à une situation à plus grande échelle : près de 13 millions de Français et Françaises sont concernés par l’illectronisme, dont 1,16 million dans la seule région Occitanie, soit 19,7 % de ses habitants (étude du 17 mars 2023 du RhinOcc, le Réseau et Hub pour l’inclusion numérique en Occitanie). Yohanne, qui a vécu toute sa vie à la Mosson, le constate quotidiennement : « Ici, la plupart des gens n’ont pas les connaissances de base en informatique. Les démarches administratives les plus simples sont déjà difficiles pour eux ». *

Un secteur à la recherche de talents

Pas évident, dans ces conditions, d’imaginer travailler au quotidien avec le numérique. Pourtant, le secteur est particulièrement dynamique, comme l’explique Céline Chauvet, directrice déléguée Pôle emploi Hérault : « Cette année, la région Occitanie a offert 8 800 emplois dans le secteur du numérique, soit une augmentation de 22 % par rapport à 2022. Ce sont des postes stables avec un CDI, un bon salaire d’entrée et des perspectives d’évolution qui peuvent permettre de sortir durablement de la précarité. Les besoins vont continuer de croître, et nous manquons de gens qualifiés. Il faut former au no-code, à l’intelligence artificielle, et anticiper sur les besoins de demain. Le secteur a besoin de nos talents ».

22 %

Augmentation du nombre d’emplois dans le secteur du numérique dans la région Occitanie en 2022

10 000

Nombre de licences offertes par Google au niveau national à des personnes traditionnellement moins représentées

Carine Karaïliev, responsable régionale des Google Ateliers Numériques en Occitanie, abonde : « Le numérique, c’est le monde d’aujourd’hui et de demain. Si l’on n’intègre pas les profils issus de la diversité, ce monde ne sera pas représentatif de la société. Il sera pensé uniquement par des hommes blancs, majoritairement citadins et d’une certaine classe sociale, lesquels créeront des applications qui répondront à leurs propres problématiques. C’est ainsi que les fossés se creusent ».

Archéologie, cuisine et jeux vidéo

Voilà la raison d’être de cette initiative, financée par la Métropole de Montpellier et organisée par Face Hérault en partenariat avec Pôle emploi Hérault, la Mission Locale de Montpellier, Google Ateliers Numériques, la Maison de l’Orientation, le Centre de Ressources Information Jeunesse et une vingtaine d’acteurs privés. Ils sont une trentaine de demandeurs d’emploi à avoir fait le déplacement pour venir rencontrer les acteurs locaux comme l’EPSI, l’EPF Engineering School, Simax, CGI, Dema1n, Icademie Dell ou Atlantis, une réussite qui tient en grande partie à l’ampleur du rassemblement dans une zone d’ordinaire délaissée par les recruteurs. Yann Gabay, fondateur d’Oreegami, une académie sans frais qui forme aux métiers du numérique, abonde : « Nous avons accompagné 1 200 élèves depuis 3 ans, issus de toutes les filières : certains n’ont pas leur bac, d’autres sont issus d’une famille défavorisée, d’autres en reconversion… À Paris, entre 30 et 35 % des élèves de nos promos sont issus de quartiers prioritaires. Mais ici, nous atteignons seulement la barre des 15 %. Pour faire découvrir ces métiers, le mieux est d’être sur place ».

Chloé, 24 ans, a par exemple eu vent de l’événement qui se préparait après une réunion à Pôle emploi. Cette jeune femme, habitante de la Mosson, est titulaire depuis septembre d’un master en archéologie. Mais récemment, ses médecins lui ont diagnostiqué une spondylarthrite ankylosante, une inflammation chronique des articulations qui l’a poussée à changer de branche : « La pelle et la pioche, ce n’est plus pour moi, dit-elle. Il me faut un métier où je doive être moins mobile ». Voilà pourquoi elle a rejoint l’opération “Le Numérique s’invite dans les quartiers”, qui proposait un parcours de découverte des métiers du numérique en 4 semaines via la création d’un jeu vidéo. Une manière, aussi, de convaincre les décrocheurs scolaires grâce à un sujet ludique et, pourquoi pas, de trouver des débouchés locaux.

Au cours de l’aventure, Chloé a pu côtoyer Dominique, 60 ans, une ancienne cheffe de cuisine en orphelinat qui veut devenir codeuse. Avec Dorsaf, Florent et Hamza, le groupe a développé “Hogwarts Location”, dans lequel vous incarnez un jeune magicien qui doit se guider dans les couloirs de l’école. Pour ce faire, ils ont appris à maîtriser le logiciel de géolocalisation Gaia, à créer un QR Code qui mène au site du jeu qu’ils ont codé eux-mêmes, à modéliser leurs personnages sur Tinkercad en vue d’une impression 3D et appris les bases du testing, du métier de product owner et du marketing digital. « C’était bien plus ludique qu’un cours magistral », assure Chloé, dont les efforts ont été remarqués. Le projet a reçu le grand prix du jury de formateurs, pour le plus grand bonheur de Florent, qui vient de fêter ses 18 ans : « Je vais le mettre sous verre et l’encadrer : c’est mon premier trophée ! ».

Un formateur explique les possibilités du numérique à une table.

Les Google Career Certificates pour faciliter l’accès à l’emploi

Ce dispositif entre dans le cadre d’un ensemble de formations destinées aux populations traditionnellement moins représentées dans le secteur du numérique. De leur côté, les Google Ateliers Numériques ont lancé le programme Google Career Certificates dans la région Occitanie. Ce programme de formations professionnalisantes 100 % en ligne disponibles depuis la plateforme Coursera prépare à 4 métiers d’avenir : support informatique, design de l’expérience utilisateur, gestion de projet, analyse de données. L’objectif est de permettre à des personnes sans diplôme ou expérience préalable d’acquérir des compétences professionnelles, et, “en 6 mois, on peut intégrer un emploi niveau junior, dévoile Carine Karailiev. Une cinquantaine d’entreprises se sont engagées à étudier le profil des personnes certifiées ». Pour faciliter l’accès aux formations, Google a décidé d’offrir 10 000 licences au niveau national à des personnes traditionnellement moins représentées. Pour que Chloé, Dominique, Florent, Yohanne et les autres puissent s’épanouir professionnellement dans le secteur du numérique.

Dans cette histoire : Compétences numériques, France

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