Comment fact-checker ?

Pour contrer la prolifération des fake news, des techniques accessibles à tous existent pour distinguer le vrai du faux. Sylvain Cavalier, fact-checker et créateur de la chaîne YouTube Debunker des Étoiles, en livre quelques-unes.

5 minutes de lecture

Au cours des 12 derniers mois, les recherches sur Google de type « Est-il vrai que…» ont dépassé la question la plus cruciale de l’année 2020, « Comment faire du pain ? ». Chaque jour, les internautes cherchent des preuves visant à confirmer ou réfuter des informations pour lesquelles ils ont des doutes. Pour répondre à ces interrogations, ils ont pu consulter les plus de 50 000 faits vérifiés sur le moteur de recherche Google au cours de l’année écoulée – qui ont cumulé environ 2,4 milliards d’impressions.

Un réflexe très utile : de plus en plus d’études indépendantes affirment que le fact-checking permet de lutter contre les fausses informations. C’est le cas notamment d’un rapport, réalisé par les chercheurs en science politique et en médias Ethan Porter, Thomas Wood et Yamil Velez, soutenus par Google News Initiative et publié en avril 2021. Il montre que la vérification factuelle des faits élimine les effets des fausses informations sur les croyances relatives au vaccin contre la Covid-19. Et si depuis quelques années, le fact-checking prend de l’ampleur dans les médias traditionnels, la vérification des faits est entrée dans une ère numérique. Notamment grâce à des créateurs YouTube qui décryptent l’information et produisent des contenus mieux vérifiés et plus fiables. C’est ce parcours qu’a emprunté Sylvain Cavalier quelques années auparavant. À l’époque, il était ce qu’on appelle couramment un « complotiste ». Jusqu’au jour où ce passionné d’astronomie bute sur la théorie du canular lunaire ou moon hoax (qui prétend que l’homme n’a jamais été sur la Lune) et décide de se documenter. Rapidement, il applique la même méthode de documentation aux théories qui avaient jusqu’ici son adhésion. Après plusieurs mois à arpenter les commentaires sur les réseaux sociaux et des vidéos YouTube pour convaincre à coups de liens et de sources vérifiées, il lance une chaîne YouTube dédiée en 2016, Debunker des Étoiles. De manière ludique et pédagogique, ce « repenti » prend à bras-le- corps les théories du complot et les confronte aux faits pour identifier les erreurs ou les mécanismes de manipulation. Il nous délivre quelques astuces et conseils pour réaliser soi-même son propre fact-checking face à une vidéo, une photographie, un tweet ou une information sur laquelle le doute planerait.

Être attentif au vocabulaire

Qu’il s’agisse du contenu d’une vidéo ou d’un commentaire accompagnant une information, en général, le vocabulaire n’est pas neutre. Si le ton est très péremptoire, qu’il n’y a aucune nuance et que le propos est appuyé par des mots puissants comme « dictature », « vérité », que les opposants sont qualifiés de « moutons » et le message ponctué par des « réveillez-vous », cela me met la puce à l’oreille. Ce vocabulaire est choisi pour toucher notre émotionnel, pour susciter de la peur ou de l’indignation en ôtant toute nuance. Dans ce cas-là, ou lorsque l’on a un doute, il faut prendre le réflexe de fouiller un peu plus le sujet en consultant des médias dont les sources sont vérifiées.

Se demander qui poste

Il est toujours intéressant de savoir qui est à l’origine d’un post ou d’une information. Si nous sommes face à un relais, il faut remonter à la source. Sur les réseaux sociaux, c’est parfois possible de manière très intuitive. On peut retrouver l’origine d’un post en parcourant la chaîne de partage, par exemple. Une fois que nous avons identifié la source, il est nécessaire d’évaluer le degré de fiabilité. Est-ce que c’est un média, un blog, le témoignage d’un particulier ou alors d’un spécialiste, une étude scientifique, une tribune ? Sommes-nous face à une opinion, un témoignage ou une démonstration ? Lorsque l’on s’intéresse à la personne qui poste, c’est parfois instructif de cliquer sur son profil et de voir ce qu’elle fait dans la vie, ce qu’elle partage et enfin, si elle a un intérêt personnel (financier ou idéologique) à diffuser cette information.

"La curiosité, le doute et la prise de recul sont à mon sens un réflexe important sur Internet."

Vérifier l’information partagée

Tout d’abord, je recherche sur Google quelques mots-clés liés à l’information en question suivi de "fake" ou « faux », et je trouve souvent les premiers articles de débunkage (analyse d’in- formations à l’aide d’éléments sourcés et vérifiés, ndlr), issus des médias ou de spécialistes. Si l’argument avancé dans un article ou une vidéo n’est abordé nulle part, on peut essayer de chercher ailleurs dans des sources différentes, recouper des écrits ou des informations sur un même sujet. Si l’article ou la personne donne des sources, sont-elles consultables ? Parfois, en effectuant cette enquête, on s’aperçoit que le document originel n’a rien à voir avec le sujet ou que ce qu’il raconte a été déformé. Cela peut prendre un peu de temps, mais il ne faut pas se précipiter. Il faut avoir conscience que tout le monde peut mentir ou se tromper. La curiosité, le doute et la prise de recul sont à mon sens un réflexe important sur Internet. Il faut se méfier de l’indignation facile, des histoires trop satisfaisantes.

S’intéresser aux méthodes d’argumentation

Lorsque l’on passe du temps à dénouer le vrai du faux sur Internet, on repère de nombreux mécanismes à l’œuvre. Il y a des techniques de manipulation psychologique, des sophismes, des déformations, de fausses évidences, ou encore des millefeuilles argumentatifs (on empile les arguments sans forcément de lien logique pour donner une impression d’accumulation). Pour arriver à y voir plus clair, cela vaut le coup de s’intéresser aux méthodes d’argumentation. De nombreux spécialistes comme Defakator, Hygiène Mentale, Mr. Sam ou la Tronche en Biais, les décryptent sur Internet et YouTube, et on s’aperçoit que cela ne concerne pas que les fake news, mais aussi les charlatans, les arnaqueurs, donc c’est toujours utile.

Déterminer l’origine des images

Lorsqu’une information sur laquelle on a un doute se base ou est accompagnée d’une image, il est intéressant de connaître son origine. Il existe plusieurs outils pour cela, TinEye ou Google Images, par exemple, qui permettent de faire une recherche « inversée » à partir de l’image ou du lien qui l’héberge. Ils recherchent toutes les occurrences de cette image et déterminent souvent d’où elle vient. Cette recherche nous donne une idée de la date à laquelle elle est apparue sur Internet, ainsi que de son contexte. Les fact-checkers utilisent souvent Invid (extension pour navigateur), qui permet de décortiquer les images ou séquences vidéo pour trouver plus facilement des correspondances antérieures. Des images sont couramment détournées et réutilisées pour tromper ou susciter de l’émotion.


Découvrez aussi l'outil de recherche proposé par Google :

Fact Check Explorer

L'outil Fact Check Explorer* répertorie des articles de sources indépendantes et spécialisées dans le fact-checking. Pour vérifier une information, il suffit d’indiquer le thème ou le sujet que vous souhaitez analyser dans la barre de recherche de l’outil et les résultats s’afficheront avec des liens pour consulter l’article de fact-checking et le verdict de chaque enquête : vrai, faux, trompeur, manque de contexte.

*toolbox.google.com/factcheck

Histoires associées