ShareID, une idée d'identification plus sûre avec l'IA
Selon le Gouvernement français, l’usurpation d’identité touche 200 000 personnes par an. Ainsi, l’identité numérique est devenue un enjeu majeur dans la lutte contre les cybermenaces. ShareID, jeune startup française, s’est emparée du sujet et propose de reproduire en ligne l’équivalent d’un contrôle d’identité fait par les autorités, grâce à des algorithmes d’intelligence artificielle. La startup est accompagnée par Google for Startups, dans le cadre de la Growth Academy: AI for Cybersecurity. Rencontre avec ses deux cofondatrices Sara Sebti et Sawsen Rezig.
Fraichement intronisées dans la nouvelle cohorte du programme Growth Academy: AI for Cybersecurity de Google for Startups, Sara Sebti et Sawsen Rezig, les cofondatrices de ShareID, ont eu l'occasion de mesurer le chemin parcouru. « Nous en sommes vraiment sortis grandies. Nous avons pu avoir un mentorat à la carte, des accompagnements sur les ventes et le leadership, avec des experts très reconnus. Cela nous a également permis de rencontrer des partenaires potentiels, que nous n’aurions pas croisé autrement. » Elles louent également la visibilité permise par cette expérience avec Google : « C’est une entreprise qui donne envie, qui sait apporter une expérience utilisateur parfaite, fluide, et un expert de data privacy depuis toujours. »
Un chemin entamé quelques années plus tôt. Changer de numéro de téléphone et ne plus pouvoir accéder à son propre compte en banque pendant trois semaines - c’est alors la mésaventure qui est arrivée à Sara Sebti, et cette « frustration » s’est transformée en la genèse de la startup ShareID. « Ça me paraissait incroyable d’être bloquée pour une chose aussi simple qu’un changement de numéro de téléphone » se souvient la CEO de l'entreprise. Alors quand cette spécialiste dans l’analyse des risques financiers rejoint le programme Entrepreneur First de Station F et qu’on lui conseille « d’essayer de résoudre ses frustrations », elle pense tout de suite à cette expérience. Et bientôt, à une solution : reproduire en ligne l’équivalent d’un contrôle d’identité fait par les autorités en temps réel.
« Authentification à 99,9% de précision »
À Station F, Sara Sebti rencontre aussi Sawsen Rezig, détentrice d’un doctorat en Computer Vision (vision par ordinateur, domaine de l’intelligence artificielle, ndlr) et ingénieure spécialiste de la problématique de la sécurisation des accès. Entre elles, « un perfect fit », résume Sara Sebti. « Initialement, le but était de prouver son identité en ligne, mais nous nous sommes vite rendues compte que beaucoup d’acteurs existaient déjà sur la vérification de l’identité à distance, mais qu’il y avait aussi beaucoup de frustration de la part des utilisateurs car les produits lancés sur ce marché l’avaient été, pour beaucoup, pendant la période de la pandémie, dans une urgence. » Résultat : de nombreuses solutions peu adaptées ou pas à la hauteur des espérances des utilisateurs. « Si on vous demande de refaire une vidéo trois fois et que quelques heures après, on vous demande de recommencer, c’est assez frustrant », note Sara Sebti.
La solution ShareID se découpe en trois étapes. D’abord, enregistrer une vidéo du document d’identité de l’utilisateur ainsi que de son visage. « Cela permet une authentification à 99,9% de précision », indique Sawsen Rezig. La deuxième étape concerne la vérification de l’appartenance du document, puis l’assurance que la personne est bien en direct devant sa caméra, via des techniques de détection du vivant. « Si tous les signaux sont au vert, cela déclenche une authentification en un sourire, en toute sécurité. » Pour éviter les difficultés d’utilisation, les co-fondatrices de ShareID décident d’utiliser l’intelligence artificielle pour « guider l’utilisateur, lui permettre une expérience plus fluide. » « L’IA intervient également sur la vérification de l’authenticité des documents ainsi que sur le caractère vivant de l’utilisateur », précise Sawsen Rezig.
Un partenariat avec la Gendarmerie nationale
Pour perfectionner leurs algorithmes, les co-fondatrices ont besoin de documents d’identité, elles se tournent alors vers des entreprises de location de voiture. « Nous nous sommes aperçues qu’ils recrutaient des anciens de la Gendarmerie Nationale, qui avaient été spécialistes de la fraude et du vol d’identité. Alors nous sommes remontées à la source et avons mis en place un partenariat avec la Gendarmerie Nationale. » Ce partenariat est officialisé en mai 2021. « Cela nous permet d'entraîner nos algorithmes avec des vrais documents et des faux, c’est comme une formation continue sur ce qui se fait en termes de fraude, et cela nous permet d’obtenir un niveau de précision encore plus élevé. » Car dans le domaine de la cybersécurité, les fraudes sont toujours plus inventives. Les deepfakes notamment, ces faux (vidéos, photos ou sons) créés grâce à l’intelligence artificielle, ne cessent de se répandre. Et les techniques se renouvellent sans cesse : « C’est une course sans fin. Pour lutter contre cela, nous continuons d’améliorer nos algorithmes de détection. Contre les deepfakes par exemple, nous protégeons notre système contre les injections et nous vérifions que la source de la vidéo est bien la caméra du téléphone » explique Sawsen Rezig.
Et les données personnelles ? ShareID a la particularité de ne pas les conserver, un argument clé aujourd’hui très important pour les utilisateurs. « Les données que nous récupérons sont par nature personnelles et sensibles. Nous avons conçu notre solution pour ne pas conserver ces données plus de quelques heures », assure Sara Sebti. Cependant, l’utilisateur sera reconnu grâce à une empreinte : « Nous ne pouvons pas remonter à la donnée initiale mais nous sommes capables de faire une comparaison entre ce que l’utilisateur nous donne et ce que nous avons de notre côté. » Cette solution permet également un partage d’information triée sur le volet : uniquement le nécessaire.
Continuer de grandir
Après une levée de fonds en 2023, qui a permis notamment plusieurs recrutements en R&D, ShareID, avec ses dix-neuf employés, travaille à présent sur son développement à l’étranger.
“Les données que nous récupérons sont par nature personnelles et sensibles. Nous avons conçu notre solution pour ne pas conserver ces données plus de quelques heures.”
Sara Sebti, cofondatrice de ShareID