"La technologie est au cœur de nos transformations"
En janvier 2021, Renault Group lançait Renaulution, un plan stratégique visant à transformer le constructeur automobile en acteur global de la mobilité, et prenait l’engagement d’atteindre la neutralité carbone dans le monde en 2050. Pierre Houlès, Directeur adjoint des Systèmes d’Information (DSI) Renault Group et Directeur Général de la filiale Renault Digital, explique comment les nouvelles technologies vont permettre au groupe d’accélérer sa mutation.
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Sur le premier trimestre 2022, les immatriculations du marché automobile français ont reculé de 34,87 % par rapport à 2019. Le secteur est-il confronté à des problématiques d’ordre systémique ?
Les crises successives que l’industrie automobile traverse sont sans précédent : pandémie, pénurie des composants et des matières premières. À cela s’ajoutent une réglementation de plus en plus contraignante ainsi qu’une attente croissante de la société de la prise en compte des impacts socioécologiques. Le secteur est sous haute tension mais c’est un terrain de jeu passionnant, car il est en train d’opérer de très grands changements. Renault Group est précisément dans cette logique transformatrice : d’industriel qui construit des véhicules, le groupe veut se muer en un acteur de mobilité beaucoup plus global et plus durable.
Pourquoi cette mutation semble-t-elle nécessaire à Renault Group ?
Nous devons prendre en compte toutes les contraintes et attentes que les enjeux environnementaux génèrent auprès des usagers. Conformément à notre plan stratégique, nous ne sommes plus dans la course à la vente de véhicules, mais plutôt dans l’optique de faire de la voiture un moyen de transport plus durable et adaptable. Nous passons du volume à la valeur.
Le plan Renaulution – qui vise à réduire à zéro l’empreinte carbone du groupe en Europe d’ici 2050 et à assurer sa rentabilité durable – doit-il permettre à Renault Group de mettre en place tous ces changements structurels ?
Précisément. Et la technologie est au cœur de ces transformations. L’idée de Renaulution, c’est de passer d’une entreprise automobile travaillant avec la technologie, à une entreprise technologique proposant des véhicules et des services liés à la mobilité. Ce plan est structuré autour de trois volets majeurs. D’abord, nous voulons utiliser le progrès technologique pour optimiser notre chaîne de valeur : une voiture est un objet complexe composé de plus de 3 000 pièces. Mais avec une bonne exploitation de la donnée collectée sur ces pièces, il est possible d’anticiper l’impact des problèmes de composants ou encore d’optimiser la gestion des stocks. Deuxièmement, Renault Group veut passer de constructeur automobile à grand acteur de la mobilité. A titre d’exemple, le groupe va renforcer ses solutions de voitures en libre-service accessibles en ville. La troisième phase embrasse les nouveaux usages consacrés aux nouvelles dynamiques de mobilité. Via la voiture connectée, nous pouvons notamment récupérer des données sur l’état des routes. Nous pourrions ainsi les croiser avec celles des municipalités. Cela leur permettrait de choisir plus adéquatement où implanter un feu tricolore, une borne de recharge, ou de limiter la vitesse, parce qu’on a vu que tel ou tel tronçon est accidentogène.
"Nous ne sommes plus dans la course à la vente de véhicules, mais plutôt dans l’optique de faire de la voiture un moyen de transport plus durable et adaptable."
Pierre Houlès
À l’été 2020, vous avez conclu un partenariat avec Google pour incorporer la technologie Google Cloud à vos processus industriels. En quoi cela pourra-t-il accélérer les mutations de l’entreprise, fixées par Renaulution ?
Nous avons choisi cette solution du cloud depuis plusieurs années. Néanmoins, nous avons pris conscience que si nous voulions vraiment accélérer et affiner notre capacité de traitement de la donnée, il était primordial de collaborer avec un spécialiste comme Google. Le Cloud de Google nous permet notamment de franchir un palier dans le domaine, en augmentant radicalement notre volume de traitement de la donnée.
Concrètement, quel impact cela peut-il avoir sur votre chaîne de valeur ?
Être un constructeur est un atout. Nous sommes présents sur toute la chaîne de valeur : de la conception jusqu’à l’usage du véhicule. Le Cloud de Google nous permet un traitement de la donnée sans précédent. Les données sont récoltées, traitées et modélisées de bout en bout et à tous les niveaux de l’entreprise. Ce sont des leviers pour réduire nos coûts, proposer de nouveaux services à nos utilisateurs et développer des cas d’usage monétisables. Par exemple, dans nos usines, les données que nous remontons de nos machines permettent de faire de la maintenance prédictive. En anticipant les pannes, nous anticipons l’arrêt de la chaîne de production qui est très coûteux. Autre cas d’usage : la gestion des stocks. Par exemple, lorsque nos clients utilisent les configurateurs de véhicules en ligne pour modéliser leur voiture. Avec un usage adéquat de cette donnée, nous allons pouvoir déterminer les configurations qui aboutissent le plus à une vente réelle et ainsi anticiper si, pour tel ou tel modèle, il s’agit de produire plus et de stocker en amont une voiture avec ces caractéristiques. Enfin, l’usage de la donnée nous permet également de proposer de nouveaux services au plus près des attentes de nos utilisateurs et pourra être une nouvelle source de revenus pour l’entreprise.
Votre partenariat avec Google inclut aussi l’intégration d’Android dans certains de vos véhicules. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
La modernisation de la plateforme électronique de nos véhicules nous permet de proposer de nouveaux services répondant aux attentes de nos usagers et d’opérer des mises à jour en permanence. L’utilisateur du véhicule veut retrouver l’environnement de son téléphone dans sa voiture, sans friction. Avec la technologie Google, nous permettons cela. Nous travaillons notamment le lien entre l’univers « off » et « on board » de manière fluide. Grâce à l’interface Android, l’utilisateur retrouve directement à bord les applications Google Maps, Google Play mais aussi l’Assistant Google, qui permet de passer des appels, demander sa route, mettre la musique et contrôler certaines fonctions du véhicule par la voix. Ce nouveau système multimédia, baptisé OpenR link est présent dans les nouvelles Renault Mégane E-Tech Electric et Austral.
"L’usage de la donnée nous permet également de proposer de nouveaux services au plus près des attentes de nos utilisateurs."
Pierre Houlès
Le futur de Renault Group, c’est aussi celui d’une entreprise qui ambitionne d’atteindre la neutralité carbone en 2050. La réduction de l’impact environnemental du groupe influence-t-elle désormais l’ensemble de ses décisions stratégiques ?
Oui clairement et ce à tous les niveaux de l’entreprise et mondialement : depuis la fabrication de nos véhicules à leur seconde vie en passant par la décarbonation et l’optimisation énergétique de nos usines. Nous travaillons sur la manière d’alléger les voitures, et à améliorer le choix des matériaux, des composants, et leur taux de recyclabilité… En 2020, nous avons notamment lancé à Flins en Île-de-France la Refactory. Cette usine dédiée à l’économie circulaire développe par exemple des activités de réparation et de réemploi de batteries, de recyclage de pièces détachées, et de reconditionnement de véhicules d’occasion. Nous y avons organisé en partenariat avec Google Cloud le premier hackathon sur le thème de la décarbonation industrielle. Plus généralement, l’usage que nous faisons de la donnée est un levier puissant nous permettant de prendre les bonnes décisions pour atteindre cet objectif. Notre expérience dans ce domaine et le savoir-faire technologique que nous développons est un actif qui pourra bénéficier à d’autres entreprises qui se transforment.