Des données pour mieux consommer
Tout commence par de simples discussions informelles en ligne, il y a près de 10 ans. Fraîchement diplômé de Sciences Po, Pierre Slamich aimerait « utiliser le numérique comme levier pour transformer le système alimentaire ». Alors, à 27 ans, il cofonde Open Food Facts, une base de données collaborative, élaborée par des contributeurs qui renseignent les données (ingrédients et composition) d’un produit. Ces informations permettent ensuite de calculer le Nutri-Score (étiquetage nutritionnel) des quelque 240 000 produits aujourd’hui référencés. Et ce, même lorsqu’il n’est pas indiqué par le fabricant. « Pouvoir faire des choix éclairés sur son alimentation est fondamental », précise Pierre Slamich.
En début d’année, les équipes d’Open Food Facts décident d’aller encore plus loin en s’intéressant à l’impact environnemental des produits alimentaires. Une problématique primordiale : selon un rapport de l’Institute for Climate Economics (I4CE), la consommation de nourriture représente entre 16 % et 31 % de l’ensemble des émissions globales de eq CO2 (unité créée pour comparer les impacts des différents gaz à effet de serre en matière de réchauffement climatique), tous secteurs confondus. « Le déclic a été permis par les travaux de recherche menés par l’Agence de la transition écologique (Ademe) et l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), publiés en open data. Ces données évaluent 14 impacts sur l’environnement (dont les émissions de CO2). Cette note est ensuite modulée avec des bonus et malus afin de prendre en compte certains impacts sur l’environnement peu couverts par cette analyse, comme la biodiversité, l’emballage, la provenance des ingrédients. » Concrètement, l’Eco-Score se traduit par une lettre de A à E, que chacun peut consulter en ligne ou dans l’application Open Food Facts en scannant directement le produit.
Rendre cette information accessible pour le consommateur est une petite révolution, mais elle l’est aussi pour les producteurs et les fabricants. « Nous voulons aussi les aider à réduire l’impact de leurs produits grâce à l’écoconception. La plupart des producteurs veulent obtenir et affiner le calcul de leurs notes, et sont en demande d’accompagnement pour l’améliorer », s’enthousiasme Pierre Slamich.
L’association ambitionne à présent de développer l’Eco-Score à la fois dans d’autres pays, mais aussi d’autres secteurs. « Nous avons commencé par l’alimentation, mais il est dans le sens de l’histoire qu’une notation environnementale s’étende à tous les produits de consommation », détaille Pierre Slamich. C’est dans cette optique qu’Open Food Facts s’est inscrite au Google.org Impact Challenge 2021 pour le Climat, un concours pour soutenir et promouvoir des projets innovants, dont la thématique était cette année le développement durable. « Nous avons accompagné la démocratisation du Nutri-Score avec un budget annuel de 600 euros, donc on ne peut qu’être optimiste sur ce qu’il est possible de faire pour l’Eco-Score avec l’aide financière et technologique de Google », sourit le cofondateur. Un accompagnement à temps plein assuré bénévolement pendant six mois, dès le mois de juillet, par les équipes de Google - dans le cadre du programme Fellowship Google.org - pour soutenir Open Food Facts dans le développement de la technologie à l'origine de l'Eco-Score. L’association va aussi bénéficier d’un suivi personnalisé de la part du Google for Startups Accelerator, programme de mentorat sur les questions techniques et entrepreneuriales.
De quoi continuer de transformer le système, avec toujours le même maître-mot : « La transparence est un moyen de créer ou rétablir la confiance, confie Pierre. Elle est aussi très efficace, car elle permet de démultiplier le nombre d’acteurs travaillant sur un sujet, et donc le nombre de bonnes idées. Elle doit être intégrée en amont dans les projets et non pas en arrière-plan. Et cela deviendra la norme. »
*Source : LSA pour Avery Dennison, 2021
Retrouvez également l'interview de Pierre Slamich dans la 4ème édition du magazine Azerty, dédiée à l'innovation, disponible en supplément de votre magazine préféré, dès le mois de juin 2021.