Lannion, voyage en terre d’innovation
Alors que 230 000 emplois seront à pourvoir dans le numérique d’ici 2025 d’après Numeum, attirer les entreprises de ce secteur est un enjeu majeur de développement pour les territoires. En se donnant les moyens de cette ambition, la Technopole Anticipa de Lannion s’est imposée comme une terre d’innovation sans équivalent en France. Visite guidée dans les pas de sa directrice, Estelle Keraval, et du député des Côtes-d’Armor, Éric Bothorel.
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Pour en savoir plus sur l’institution qui a fait de sa région un ovni dans le paysage économique français, il faut emprunter la route départementale 767, qui relie Guingamp à Lannion, dans les Côtes-d’Armor. Suivre ensuite le panneau indiqué « Technopole Anticipa Lannion – Guingamp », puis une fois sur place, demander Estelle Keraval, la directrice des lieux. Si cette leader humaniste prend toujours le temps de souligner le travail de ses équipes, c’est parce qu’elle se définit comme un pur produit de la Technopole : « Depuis mon arrivée, en 2007, j’ai exercé quasiment tous les métiers possibles ici, de la création à l’accompagnement des jeunes pousses en passant par leur développement, avant de prendre la direction de la Technopole 7 ans plus tard ». Enfant du département, Estelle connaît par cœur l’histoire de ce territoire marqué par un ADN entrepreneurial et une histoire contemporaine ancrée dans le numérique. Au point que Cédric O, ancien secrétaire d’État chargé du Numérique, disait de Lannion et ses 20 000 âmes « qu’il ne connaissait pas d’écosystème équivalent en proportion à la taille de la ville ».
Le Minitel et la Technopole, « made in Lannion »
Le député de la 5e circonscription des Côtes-d’Armor, Éric Bothorel, reçoit dans sa permanence, qui offre une vue de Lannion digne d’une carte postale. Ce natif de Paimpol s’anime lorsqu’il s’agit de parler de l’histoire de ses terres : « Le point de départ de toute l’aventure autour des télécommunications et du numérique, c’est l’installation du Centre national d’études des télécommunications (le CNET) à Lannion. Cette arrivée représente l’ancrage d’une organisation structurante et forte autour des télécommunications ». Le CNET (devenu France Télécom R&D, puis Orange Labs) possède ici un laboratoire de recherche et développement depuis le passage à sa tête de Pierre Marzin, natif de la commune, dans les années 60. Résultats de cette implantation : le Minitel, qui fait figure de fierté locale, mais aussi la Technopole, fondée en 1988. Ces deux créations « made in Lannion » ont grandement contribué au développement économique du territoire. À l’origine, une idée simple : « Rendre le territoire un peu moins dépendant des grands groupes français de télécommunications », installés tous deux à proximité. Pour densifier l’écosystème autour de ces acteurs industriels, la décision est prise de « développer encore plus le numérique, que l’on n’appelait pas encore comme ça à l’époque », rapporte Éric Bothorel.
L’innovation, créatrice d’emplois
La Technopole Anticipa sera le fer de lance de cette stratégie. Interrogée sur les objectifs de son institution, Estelle Keraval énumère 3 points qui font office de commandements : « Faciliter le développement économique du territoire ; s’assurer que les problématiques des entrepreneuses et des entrepreneurs soient prises en compte par les pouvoirs publics ; veiller au dynamisme de l’emploi et de l’innovation sur le territoire ». Pour des résultats particulièrement probants, si l’on en croit Éric Bothorel : « Il existe ici une vitalité particulière. Selon un classement récent de la French Tech réalisé par Les Echos, Lannion afficherait le taux de création de startups par habitant le plus élevé de France ». Lannion et la Technopole sont rattachées à la French Tech et près de 150 PME innovantes travaillent sur le territoire, ce qui entraîne un lot de conséquences positives sur l’emploi. « La courbe d’emploi des grands groupes et celle des PME se sont croisées, reprend Estelle Keraval. Les PME, aujourd’hui, créent autant, voire plus d’emplois que les grands groupes. Le territoire est mieux équilibré, beaucoup moins fragile, moins dépendant des télécoms et des grands groupes. Les télécoms restent, cependant, une expertise centrale du territoire à l’échelle internationale. »
Une réussite qui s’explique aussi par la force d’un écosystème local particulièrement riche, où les écoles – comme l’ENSSAT et l’IUT – partagent le territoire avec les grandes entreprises et les PME. Le tout orchestré par des femmes et hommes politiques qui travaillent main dans la main avec la Technopole. « Il y a ici quelque chose de similaire aux succès de Palo Alto et de Berkeley, aux États-Unis. Comme eux, nous avons su faire cohabiter les apprentis, les ingénieurs et les entreprises. »
Construire ensemble des solutions
Au sein de la Technopole, Estelle Keraval a une méthode : « Ici, nous aidons à structurer l’idée et à valider sa faisabilité avant de la tester. Puis nous accompagnons la création du modèle économique et du business plan des entrepreneuses et des entrepreneurs. Ceux qui viennent nous voir restent toujours maîtres de leur projet. Mais nous apportons notre regard extérieur notre expérience ». Nombreux sont celles et ceux à en avoir bénéficié. C’est le cas notamment d’Olivier Le Fol, cofondateur de TWINSYS, société éditrice d’un logiciel de gestion d’espaces de bureaux partagés, accompagné depuis un an : « Nous avons été aidés sur tous les aspects de la création d’entreprise : réalisation des business plans, des prévisionnels, création de la structure sociale, d’un pacte d’associé.e.s quand on est plusieurs parties prenantes au projet, mise en relation avec des professions juridiques et financières… Il est plus facile de créer une entreprise à Lannion qu’ailleurs. Ici, nous ne sommes pas un numéro ni noyés dans la masse ». APITIC, le projet d’éditeur de système de caisse pour les métiers de bouche d’Anne-Cécile Le Quere, est suivi, lui, depuis 2007, avec d’autres solutions : « À la Technopole, des ponts sont faits avec d’autres institutions. L’événement de ”jobdating” Work in Lannion, par exemple, qui met en relation des candidats et des PME de la Tech du territoire lannionnais, nous a permis de recruter une jeune ingénieure, qui donne par ailleurs des cours à l’IUT de Lannion. C’est ce qu’on appelle un écosystème gagnant-gagnant ».
L’attractivité de Lannion, Éric Bothorel ne cesse de la vanter : « Je ne manque jamais une occasion de parler de là d’où je viens, de qui je suis, de ce qui donne du sens à mon mandat. J’ai à convaincre car je suis en compétition avec des métropoles. Ici, nous nous retroussons les manches. Nous n’attendons pas que les solutions viennent d’ailleurs, nous les construisons ensemble ». Aussi Estelle Keraval et Éric Bothorel se réjouissent-ils de l’installation de cet acteur de la téléphonie mobile, Qualcomm. « Ils recrutent des jeunes sortis d’écoles, des chercheurs, de nouveaux salariés, et apprécient de bénéficier de cet écosystème assorti d’un très beau cadre », souligne Éric Bothorel. Car la beauté de la région est l’ultime atout de Lannion. « Les villes moyennes et les villes de bord de mer attirent pour leur qualité de vie. Dans cette période post-Covid, nous bénéficions d’une attractivité beaucoup plus forte, pointe Estelle Keraval. Ce que nous mettons en avant, ici, c’est qu’il est possible d’accéder à une belle qualité de vie sans sacrifier son développement professionnel. » La recette infaillible du succès ?