« Les commerçants ne peuvent pas passer à côté de la révolution numérique »
La crise sanitaire a bouleversé les habitudes de nos commerces de proximité. Où en sont les TPE et PME françaises aujourd’hui ?
Nous avons assisté en seulement quelques mois à un formidable mouvement. La crise a forcé à une prise de conscience : le numérique est une obligation vitale, complémentaire de l’activité en magasin, qui reste l’ADN de nos commerçants de proximité. Et il faut aussi reconnaître que l’État, dans cette période compliquée, a mis les moyens pour aider les commerçants à passer le cap du numérique, aux côtés des collectivités locales (Le dispositif France Num accompagne les entreprises dans leur transition numérique avec un diagnostic, un chèque numérique de 500 euros, des formations adaptées ou encore des prêts, ndlr). Le numérique est incontournable, tout simplement parce que les consommateurs le demandent. Tout chef d’entreprise, tout commerçant, a le devoir de tenir compte de ces évolutions. On ne peut pas passer à côté de cette révolution. Mais soyons clairs : la priorité doit rester la boutique physique. Et la démarche numérique, qui me paraît essentielle, peut et doit être progressive.
Quelles solutions ont mis en place les commerçants pour aller plus loin dans cette voie du numérique ?
Deux solutions ont fortement émergé : le “Click & Collect” et les “marketplaces” (site Internet sur lequel des vendeurs indépendants, professionnels ou particuliers, ont la possibilité de vendre leurs produits, ndlr) locales, très ancrées dans les territoires. Cela peut être à l’initiative des commerçants indépendants, mais aussi d’associations, ou encore des grandes entreprises, à l’image de La Poste avec Ma ville Mon shopping (plateforme de numérisation du commerce local, ndlr). À côté de cela, toute une nouvelle génération est née avec le numérique et a intégré cette notion dans son business plan dès le départ. Certains ont même déjà l’idée de faire émerger des projets d’abord sur Internet, pour dans un deuxième temps les décliner en boutique physique. Il y a un foisonnement d’idées, mais le véritable enjeu reste la pérennité. Cela demande une ingénierie, du financement, un accompagnement du commerçant, de la communication sur le long terme.
Quels sont justement les projets mis en place par la FFAC pour les accompagner ?
L’innovation numérique ne peut plus être chronophage, ni complexe en termes d’ingénierie ou de technicité. Nous avons donc mis en place, par exemple, le dispositif « Ma vitrine en ligne », en partenariat avec Google. Concrètement, il englobe trois volets : une assistance téléphonique sans frais, avec plusieurs dizaines d’experts qualifiés ; des outils pédagogiques, accessibles en ligne et sur papier, ainsi que la formation et la sensibilisation des commerçants, à travers des webinaires. Nous avons mesuré l’intérêt de ces formations par la mobilisation énorme des professionnels, avec une affluence très forte : en seulement 6 mois, nous avons pu former et accompagner 7 000 commerçants. Et nous avons la volonté d’aller plus loin dans les territoires.
Vous avez également réalisé un partenariat avec Google Arts et Culture pour promouvoir une quinzaine d’artisans et de commerçants, sélectionnés par vos soins. Est-ce que cette volonté de raconter une histoire peut être un moyen de développer de nouvelles opportunités ?
L’idée était de donner une image positive de ce métier dans un contexte difficile. Ces commerçants ont su s’adapter et proposer de nouvelles solutions, même en période de crise. L’un d’entre eux, Davy Dao, est l’exemple parfait de cette nouvelle génération qui a intégré toutes ces innovations, en matière de numérique mais aussi de développement durable, puisqu’il crée des jeans écoresponsables, made in France. Il a également développé une vraie identité, une marque avec une belle histoire, ce qui lui a valu d’être récompensé par un Mercure d’or en 2020, prix qui distingue les meilleurs commerçants de France.
Quel est l’impact de cette révolution numérique sur l’organisation des entreprises ?
Aujourd’hui, tout chef d’entreprise a l’obligation de tenir compte de ces enjeux pour accroître sa part de marché. Lorsque la boutique physique est fermée, le consommateur doit pouvoir acheter quand même en ligne, à toute heure du jour et de la nuit. Mais les deux sont complémentaires, la plupart des commerçants ne pourront pas tenir avec une unique présence en ligne. L’avenir passe donc par l’omnicanal, par une complémentarité physique et numérique. Car si les boutiques physiques venaient à disparaître, ce serait du même coup le dynamisme de nos villes qui disparaîtrait. Et ce n’est évidemment pas ce que l’on souhaite.
Cette révolution en cours va donc impacter les centres-villes, historiquement organisés autour des commerces.
Bien sûr, ils font d’ailleurs eux-mêmes leur propre révolution ! On parle aujourd’hui du concept de “smart city”, avec du mobilier connecté dans nos rues, la prise en compte des données de comptage des flux piétons, etc. Les données sont fondamentales pour la mise en place d’une stratégie de développement commercial. Cela interroge aussi la problématique de la logistique urbaine : comment mieux penser les livraisons ? Qui dit e-commerce, dit aménagements. Toute cette démarche est globale, le commerçant et le politique doivent agir de concert. Et le lien naturel entre ces deux entités, c’est l’association de commerçants. Il y aussi l’émergence d’un nouveau métier, le manager de centre-ville : il est au cœur de cette stratégie-là, et accompagne au quotidien les commerçants.
À quoi pourrait ressembler le commerce de proximité en 2030 ?
Un commerce de plus en plus connecté et lié aux nouvelles technologies, sans oublier le contact physique. Et puis, les commerces vont évoluer dans leur manière de présenter les offres : certains conjuguent déjà plusieurs activités. Le commerce de proximité sera finalement un mélange de tout cela, de plus en plus moderne, tout en conservant son ancrage territorial et sa dimension humaine, avec la préservation des aspects local et durable. Cet équilibre est fondamental.