Mobilité : le partage des données rebat les cartes
Les transports représentent un tiers des gaz à effet de serre en ville. La gestion des mobilités urbaines joue donc un rôle majeur dans la lutte contre le changement climatique. De quels leviers les collectivités disposent-elles pour encourager les mobilités durables ? Et quel rôle jouent les données dans leur mise en place ? Réponse avec Simon Roberts, chargé de ces questions pour l’organisation C40, qui regroupe près de 100 grandes villes à travers le monde collaborant pour faire face à la crise climatique.
Quels sont les principaux enjeux en matière de mobilité urbaine ?
Les villes sont en première ligne de l’engagement contre le réchauffement climatique. Elles occupent seulement 2 % de la surface du globe mais sont responsables de 75 % de la consommation d’énergie et de 70 % des émissions de gaz à effet de serre. Dans les zones urbaines, le transport représente plus de 30 % des émissions et cette proportion ne cesse de croître. La conclusion s’impose donc naturellement : la lutte contre le changement climatique ne peut faire abstraction d’une réflexion sur la mobilité en ville. Une notion d’autant plus complexe que le mot “mobilité” englobe des défis très variés comme la pollution de l’air, la congestion des centres-villes, la sécurité routière… Dès lors, que prioriser ? Par où commencer ? Ce sont des questions délicates pour l’ensemble des territoires car ces sujets ont un impact considérable sur le quotidien de la population.
Par où conseilleriez-vous de débuter une réflexion sur la mobilité urbaine ?
Par les transports en commun. Si les transports publics répondent aux attentes des utilisatrices et utilisateurs, ceux-ci prennent moins leur voiture, les embouteillages diminuent, il devient alors possible de mettre en place des solutions “douces” pour les livraisons en centre-ville, la qualité de l’air s’améliore… Le sujet reste crucial car la récente pandémie de Covid-19 a éloigné la population des transports en commun. En matière de transports, il faut par ailleurs veiller à ne pas se perdre dans l’accumulation de solutions et de projets. Plusieurs agglomérations ont, par exemple, misé sur les voitures électriques. C’est un sujet intéressant et utile, bien évidemment, mais il ne règle pas la congestion des centres-villes et n’encourage pas l’utilisation des transports publics ni la marche.
Quelles seraient les grandes lignes d’un “bon plan de transports” ?
Il faut avant tout miser sur la simplicité afin d’offrir une alternative à l’automobile. Rien de plus facile, en effet, que de monter dans sa voiture sans avoir à penser au trajet, aux horaires, aux correspondances. Les transports collectifs doivent pouvoir rivaliser sur ce terrain, avec un billet unique pour tous les réseaux, des facilités de connexion, des applications mobiles pour planifier son voyage et favoriser l’intermodalité…
À ce titre, justement, les données ne jouent-elles pas un rôle essentiel ?
Vous connaissez l’adage « la connaissance, c’est le pouvoir ». Et surtout le pouvoir d’agir. Toutes les données sur les habitudes de transport sont précieuses pour façonner une mobilité adaptée aux besoins quotidiens comme aux enjeux climatiques. La mise à disposition de certaines données sensibilise aussi la population. Les données sur la qualité de l’air constituent ainsi un levier efficace pour susciter une prise de conscience chez les citoyennes et les citoyens. Dans ce contexte, Google nous donne accès à un outil comme Environmental Insights Explorer (EIE), qui rassemble, entre autres, les données relatives à la mobilité individuelle de milliers de villes et permet de tester des stratégies de réduction des émissions de CO2. Il nous aide à mieux comprendre les déplacements des personnes, et offre aux agglomérations une vue d’ensemble des émissions par mode de transport. Avec EIE, il devient possible de mesurer l’impact concret de certaines évolutions comme le déploiement de pistes cyclables durant la pandémie. Grâce à la précision de ces données, la comparaison entre les villes est facilitée et riche d’enseignements.
Comment travaillez-vous avec les villes ? Pour quels objectifs ?
Chaque ville doit répondre à des défis spécifiques, et nous sommes attentifs aux particularités locales. Mais notre but est de les accompagner pour réduire l’utilisation de la voiture et privilégier les transports publics, la marche, le vélo, ainsi que l’électrification du parc automobile. Nous avons fixé 2 objectifs emblématiques : la mise en service exclusive de bus “zéro émission” au plus tard en 2025 et la création de zones sans émissions dans les agglomérations partenaires à horizon 2030. 36 villes sur les 96 de C40 se sont déjà engagées sur ces 2 points.
Quels sont les principaux obstacles, aujourd’hui, à la mise en œuvre d’une mobilité plus responsable ?
Il y a un frein légal qui ralentit certains projets. Bon nombre de villes manquent d’autonomie sur ces questions et dépendent de décisions de conseils régionaux ou de gouvernements nationaux. Et puis, la mobilité a un coût. Tous les territoires n’ont pas la possibilité d’investir massivement. Comme je le disais, il est donc essentiel de prioriser. Enfin, on rencontre des freins technologiques : certaines municipalités manquent de données et d’outils pour affiner leur stratégie. C’est pourquoi nous voulons intensifier les partenariats sur ce point. Le partage des données crée une émulation entre les agglomérations. Les maires s’inspirent des projets mis en œuvre ailleurs pour avancer concrètement. C’est l’un des atouts de C40 et une réelle voie de progrès pour les années à venir.