“ La vitalité de nos centres-villes passe par un développement accru du numérique ”
Les villes moyennes jouent un rôle structurant, essentiel pour les territoires. Pourtant, elles font face à de grands défis en matière de développement économique, que ce soit en termes d’emploi, de création d’entreprise ou de dynamisme des commerces, en particulier de centre-ville. Quelles réponses apporter à ces défis ? Et comment le numérique peut-il y contribuer ? Éléments de réponse avec Gil Avérous, maire de Châteauroux et président de l’association Villes de France.
Quel rôle les villes moyennes jouent-elles en France ?
Les villes moyennes sont des villes d’équilibre qui maillent notre territoire. Elles représentent avec leurs intercommunalités près de la moitié de la population, le quart des emplois, 37 % de l’emploi industriel et 20 % de la population étudiante nationale. Les villes moyennes sont aussi, pour les trois quarts d’entre elles, le siège d’une préfecture ou d’une sous-préfecture. Elles jouent, à ce titre, un rôle majeur dans les politiques d’avenir de notre pays, notamment en termes de réindustrialisation ou de transition écologique et numérique.
À quels défis sont-elles confrontées dans leur développement économique ?
Tout d’abord, les villes moyennes, qui se sont construites sur un fort tissu industriel, se sont vues confrontées à la désindustrialisation et à l’éloignement des centres de décision, notamment avec la création des grandes régions. Les villes moyennes ont également souffert du déploiement continu des zones commerciales périphériques, facilité par l’assouplissement des réglementations concernant l’urbanisme commercial. Ce sont les commerces de centre-ville qui en ont le plus souffert. Côté immobilier, les villes moyennes font face, par ailleurs, à la concurrence de l’offre de logements neufs en périphérie des villes, subissant ainsi une diminution de la valeur de leur patrimoine existant, grevé par le coût de sa réhabilitation et le déficit d’appui en ingénierie.
Les défis varient-ils d’une ville à l’autre ? Et pour quelles raisons ?
Toutes les villes moyennes ont leurs spécificités. Les villes de l’ouest de la France connaissent, par exemple, un dynamisme économique qui place le débat sur la question de l’attractivité de la main-d’œuvre. Certaines villes du nord et du sud-est de la France sont confrontées, au contraire, à la rareté de l’emploi. Les villes touristiques développent des politiques locales pour protéger le patrimoine et mieux gérer les flux. Les villes moyennes du littoral ont des sujets de protection des côtes, celles situées en montagne de couverture en infrastructures, notamment numériques. Les défis varient donc selon les atouts, les spécialisations et les dynamiques territoriales.
Quelles solutions avez-vous mises en œuvre pour répondre à ces grands défis ?
Villes de France a co-construit en 2017 avec le ministère de la Cohésion des territoires le programme Action Cœur de Ville. Cinq milliards d’euros ont été mobilisés sur 5 ans dans 234 villes moyennes. Des mesures telles que l’amélioration du logement, la création de boutiques tests1 et la multiplication des activités culturelles ont recréé du flux en centre-ville. Résultat : 80 % des centres des villes rattachées à notre programme ont observé une augmentation de leur fréquentation. Mais la vitalité de nos centres-villes passe aussi par un développement accru du numérique. Le programme Action Cœur de Ville y contribue en donnant un accès prioritaire à la fibre dans les cœurs de ville, en renforçant le Wifi public, en développant les tiers-lieux et les espaces de coworking et en accélérant, enfin, la transformation numérique des commerces de centre-ville.
Comment accompagner efficacement les commerces de proximité dans leur transition numérique ?
Pour les commerçants et commerçantes, le numérique est clé : il renforce leur visibilité, diversifie leur marché et répond aux nouvelles attentes sociétales. La hausse de l’e-commerce génère de nouvelles attentes citoyennes comme le « phygital », qui traduit une présence à la fois physique et en ligne. Pour accompagner ce mouvement, de nombreuses villes moyenne fournissent des plateformes de commerce en ligne et les chambres de commerce et d’industrie proposent leurs propres outils. Cependant, la formation aux outils reste indispensable. Les collectivités peuvent s’appuyer en cela sur les tiers-lieux mais aussi sur les partenaires des territoires comme Google France et ses Ateliers Numériques mobiles, qui dispensent des formations aux commerçants et commerçantes dans une démarche interactive.
Que pensez-vous, enfin, de villes comme Nevers ou Lannion, qui ont fait le choix de s’engager fortement dans le numérique en accélérant le déploiement de la fibre mais aussi en créant un écosystème dédié à ce secteur ?
Les grandes villes sont souvent présentées comme étant à la pointe de l’innovation mais les villes moyennes peuvent aussi être des vitrines dans ce domaine. Vous citez Nevers et Lannion, qui ont misé sur des incubateurs, mais nous pourrions aussi évoquer Boulogne-sur-Mer et son espace de coworking BOUDA, Niort et l’écosystème NiortNuméric (un réseau local qui dynamise la filière informatique et numérique), ou encore Laval et son évènement Laval Virtual (un salon dédié à l’innovation et aux nouvelles technologies qui se tient chaque année depuis 1999), lequel témoigne de la spécialisation du territoire en matière de réalité virtuelle. La ville de Bourges veut devenir un pôle de la cybersécurité, celle de Saint-Quentin de la robotique. Ces villes sont des témoignages de l’agilité et de la capacité d’innovation des villes moyennes. Autant d’atouts qui peuvent en retour être des facteurs de redynamisation.